Lee a écrit :Pourquoi Schubert est pré-romantique pour toi mais pas Beethoven ?  Ou...as-tu un autre devoir d'écoute comparé à donner ?  

 
Parce que dans la musique de Schubert, le coeur et l'émotion sont presque toujours sur le devant de la scène. C'est d'abord pour cette raison. Chez Schubert, le seul souci est de chanter, de toucher. Ce n'est pas qu'il ne sache pas construire de grandes formes, mais c'est aussi là qu'on y trouve les fameuses "divines longueurs". Beethoven (et la plupart des compositeurs) ne cède jamais à ce genre d'épanchement de l'âme. Chez Schubert cependant, le concept, le projet d'oeuvre s'efface derrière ou fusionne avec le sentiment, ce qui le rapproche très près de l'intention romantique.
Schubert est peut-être le compositeur à l'hypersensibilité la plus exacerbée, je ne sais pas du tout l'expliquer, mais je perçois quelque chose de très féminin dans sa musique. 
davsad a écrit :Okay je serai très interessé de savoir où tu prends tes sources pour savoir quelles pièces de Chopin sont des improvisations transcrites.
Je n'ai pas vraiment de source, j'ai lu des choses et d'autres mais ce n'est pas forcément sur des lectures que je m'appuie. D'ailleurs pour revenir à la Polonaise-Fantaisie, c'est un exemple troublant, car il semblerait que les brouillons montrent qu'il en a bavé pour l'écrire, en dépit de beaucoup de pages à l'air improvisé. 
Pour le prélude opus 45, j'ai lu quelque part une histoire fascinante, qui rend cette pièce très précieuse. Elle serait née d'une discussion avec son ami Delacroix sur les couleurs, et toutes ses modulations seraient une manière de rendre en musique des dégradés et changements de teinte en peinture. Chopin se serait ensuite assis au piano et improvisé quelque chose de très modulant, puis noté un morceau en découlant. D'ailleurs on a une lettre de Chopin au moment où il fait éditer ce prélude, et chose très rare, il s'en déclare satisfait et insiste sur ses modulations. Même sans cette histoire, lorsqu'on déchiffre ce prélude on fait une drole d'expérience, on a l'impression que Chopin voudrait nous prêter ses mains, ou nous montrer comment ça se passe lorsqu'il les laisse glisser sur le clavier en laissant courir son imagination unique ...
davsad a écrit :Autre question : ne penses-tu pas que l'expression "improvisation transcrite" est une oxymore, surtout pour cette époque où l'enregistrement n'existait pas encore ?
Pas forcément. Ne serait-ce que parce que certains compositeurs écrivaient à la table. 
Le mythe du pianiste-compositeur n'est qu'une parcelle de l'univers de la composition. Et même dans leur cas, même si l'inspiration peut naitre d'un geste d'improvisation, tout dépend dans quelle mesure le compositeur s'y attache et se contente d'en polir les rebords avant de le mettre sur le papier, ou bien si c'est un matériau très brut qui va être retravaillé en grande profondeur avec une démarche distanciée du rapport à l'instrument. En d'autres termes, ça dépend de la spontanéité que la pièce notée a finalement preservé.
Ca me fait penser à deux exemples de thèmes célèbres qui nous semblent aujourd'hui très spontanés et dont on sait avec certitude que les compositeurs ont vraiment lutté pour les créer : le mouvement lent du concerto en sol de Ravel, et le début du 2e concerto pour violon de Mendelssohn.