Qu'est-ce que la "virtuosité gratuite" pour vous ?

[Okay]

Mouais ... les sonates 1 à 3 sont celles de la première période et l'influence de Chopin est toujours nette, mais je trouve que les œuvres de ces années sont déjà très personnelles à leur manière. Ce premier Scriabine est pour le coup celui qui déploie le plus de virtuosité démonstrative, pour recoller au sujet... mais tout Scriabine a aussi une part de virtuosité "cachée", c'est généralement plus dur que ça en a l'air. Ca tombe rarement aussi naturellement sous les doigts que du Chopin.

En fait, je trouve que Liszt est finalement l'un des seuls compositeurs qui est bien souvent moins difficile que l'effet produit par ses oeuvres ...

[nox]

C'est aussi ce que disait Saint-Saëns je crois

[Lee]

Je commencerais peut-être par la 2e consolation, je trouve que c'est un vrai bijou (tout le monde joue la 3e, car elle rappelle Chopin et son nocturne en ré b...)

J'ai découvert qu'il est dans un vieux recueil que j'ai, et même mal déchiffré, il est très, très beau, merci !

[Lee]

Perso, quand je n'arrive pas à entendre la musique, je pense à l'expression "virtuosité gratuite" et avec une écoute de Feux Follets, je n'y ai pas pensé, ça m'a plutôt frappé.

[Okay]

Feux-Follets est un véritable miracle musico-pianistique, un chef d'oeuvre ahurissant. Tout y est éthéré, poétique de la première à dernière mesure. La pièce est émaillée de rencontres harmoniques modernissimes, que la vitesse fait percevoir comme des micro-reflets... on touche à une forme d'impressionnisme très avant l'heure (comment a t-il pu pondre la première version dès 1837, aux premières heures du romantisme ? énigme fascinante...) ... ça n'en est pas moins une des études les plus difficiles de tout le répertoire (la plus difficile ?), mais plus que jamais, les moyens servent une très haute visée artistique. Avec Au bord d'une source, je considère que c'est la plus géniale inspiration de Liszt.
J'ai lu Faust des années plus tard, mais avec le recul, l'évocation du passage où les protagonistes suivent un feu-follet dans la montagne est juste saisissante. Faut écouter Cziffra dans cette étude, qui n'y fait pas du tout du Cziffra comme on pourrait s'y attendre (il prend son temps et contrôle ses moyens !), mais joue ça avec une poésie confondante.

[Lee]

Merci beaucoup pour cette explication Okay, mais malgré tes mots en tête et d'autres écoutes, le morceau reste, pour moi, un gag sur la virtuosité gratuite...

[Wandarnok]

Merci beaucoup pour cette explication Okay, mais malgré tes mots en tête et d'autres écoutes, le morceau reste, pour moi, un gag sur la virtuosité gratuite...

+1 (désolé Olivier... ).
J'ai fait l'effort d'écouter, j'aime pas mal de choses chez Liszt, mais là, rien à faire.
Pas musical du tout pour moi, je ne vois pas de direction, pas de frissons, rien. Limite un agacement.
Faute peut etre à mon formattage "classique"? (mais en musique symphonique ce n'est pas vrai, j'écoute Schubert, Berlioz, Dvorak, Ravel, Da Falla...).
En tout cas, je découvre des bijoux chez Chopin que je ne pensais pas apprécier tant marqué par Bach/Mozart/Beethoven/Albeniz je suis.
Mais ce Liszt, rien à faire, pour l'instant.

[Okay]

Vous avez écouté cette version la ? (Ne pas forcément regarder l'image avec les triples croches qui défilent trop vite)
Pas de musique ?

[Wandarnok]

Vous avez écouté cette version la ? (Ne pas forcément regarder l'image avec les triples croches qui défilent trop vite)
Pas de musique ?

J'écouterai ce soir, chez mon client, je ne peux pas...
PS: du coup j'ai envie de réecouter Totentanz (en solo, par Lisitsa). Je sais, rien à voir (sauf peut être la virtuosité sous jacente), j'avais évolué dès la troisème écoute, comme quoi pourquoi pas...

[Wandarnok]

Malgré l'execution virtuose de Cziffra, je reste sur ma première impression très mitigée, au risque de passer pour un béotien.
j'ai bien dit "execution" et pas "interprétation" car je ne trouve pas matière à émotions ou ressenti ou voyage. Je trouve même la fin tronquée...
Par contre je conviens que cela soit totalement jouissif à jouer pour quelqu'un qui en a le niveau ou qui souhaite se challenger.

[Okay]

Bon faut que tu réécoutes, autant de fois qu'il le faudra, ça s'impose ! A défaut d'encore goûter à toute l'imagination poétique qu'il déploie, tu reconnais quand même qu'il a un son fabuleux ?

[Lee]

J'ai écouté deux fois. Même si cette version est meilleure que les autres que j'ai entendu, je suis désolée, pour moi, "there is no there there." Je n'écoute plus, maintenant je vais écouter encore Debussy par Caralire en espérant pouvoir écrire quelque chose intelligible...

[alex2612]

Virtuosité gratuite.... c'est pour moi un oxymore. Vistuosité non payante devrait on dire . Ca revient a denaturer une piece de son essence musiale. L'inverse est sans doute vrai des mauvais compositeur mais alors un virtuose ne les joueras pas ou alors il pourras peut etre y apporter une touche perso la rendant acceptable. Je partage aussi l'avis du premier post de okay

[alex2612]

Je n'aime pas cette expression, j'ai pu remarquer que ceux qui l'utilisent en sont souvent dépourvus. C"est juste un constat je ne vise personne. J'imagine que n'étant pas capable de jouer certaines pieces du répertoire le meilleur moyen de ne pas se dévaloriser est de dévaloriser l'œuvre elle même.
Virtuosité gratuite.... c'est pour moi un oxymore. Virtuosité non payante devrait on dire . Ca revient a dénaturer une piece de son essence musicale. L'inverse est sans doute vrai , des compositeur mal inspirés.alors dans ce cas un virtuose ne les joueras pas ou alors il y apportera une touche perso la rendant acceptable.

Pour moi c'est tout simplement là où les moyens utilisés ne sont pas vraiment déployés au service de l'expression. Une virtuosité qui est inutilement démonstrative, qui affiche un surcroît d'éclat finalement superflu. D'ailleurs dans ce second cas, c'est souvent beaucoup moins difficile que ça en a l'air, le spectacle ne coûte finalement pas si cher.
Paradoxalement, plus le temps passe moins je trouve gratuites la plupart des pages virtuoses. Je finis par y voir une nécessité. Il y a quelques années, je trouvais que la rhapsodie espagnole ou la 9e rhapsodie hongroise étaient des exemples parfaits de virtuosité gratuite, puis en plongeant dans le texte, j'ai totalement changé d'avis.

Une image me vient ... lorsqu'il y a un étalage de virtuosité, c'est exactement comme lorsqu'une femme est très maquillée. La nuance est la même qu'entre un maquillage de soirée ou de scène, et un empilage de couches qui tourne au vulgaire.

je partage complètement cette vision.

[Wladyslaw]

Le grand galop chromatique, je n'arrive même pas le classer la dedans, car cette pièce annonce la couleur sans détour, et elle y réussit assez irrésistiblement. C'est une pièce d'estrade oui, mais alors quel spectacle ...

En fait, j'ai rarement ce reproche à faire à une oeuvre entière, je suis davantage dérangé par des sections isolées. Chez Liszt, je pense d'emblée à deux passages, au milieu de la Vallée d'Oberman et au milieu de la 2e Légende. A chaque fois, il veut sans doute dépeindre un orage, mais je trouve ces octaves et chromatismes complètement tapageurs et caricaturaux. Pour moi c'est du remplissage et j'aurais préféré qu'il s'abstienne d'écrire ces passages.

On trouve plus souvent ce genre de choses dans les transcriptions et paraphrases, surtout en effet dans celles de jeunesse, mais même dans les meilleures. Par exemple, dans la paraphrase sur Don Juan, je crois que c'est à la fin de la 2e variation, il y a une mesure avec des sauts de plus en plus larges en directions contraires aux 2 mains, qui est pour moi la caricature de la virtuosité gratuite (à moins qu'il ne mime la prouesse d'une soprano dans l'opéra, mais je n'ai pas souvenir de ça...).

Je suis pas OK, Okay.
Il n'y a pas une note de trop dans la vallée d'Obermann, c'est une oeuvre magnifique, et pour le coup, les traits de virtuosités sont parfaitement intégrés à l'ensemble ... le paysage change au fur et à mesure d'intensité et de couleurs, de netteté au gré de l'évolution des tonalités, des nuances de la densité de l'écriture. C'est une oeuvre qui commence dans une brume matinale et qui s'achève dans un feu d'artifice orgasmique. La virtuosité est nécessaire, construit et consolide l'ensemble.

[alex2612]

Oui c'est tapageur encore une fois par l'interprete. La vallée dobermann un œuvre qui a du "chien".....bon je sors

[Lee]

Ah, les hommes...

[alex2612]

tu veux qu'on parle des femmes? C'est sur qu'en matiere de virtuosité c'est plutot la langue . Elle nous surpasse largement ....hihihi

[Lee]

C'est toi qui a sorti "du chien"...je ne pense pas que les femmes disent - vous me corrigez sur le français si j'ai tort - "a du chien"...

[Wladyslaw]

Je dirais bien un truc mais je vais me faire censurer ....