Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Hors-sujet, questions sur l'utilisation du forum...
Avatar du membre
dominique
Modératrice
Messages : 5056
Enregistré le : lun. 10 janv., 2005 20:01
Mon piano : Grotrian-Steinweg 122M
Localisation : Perpîgnan

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par dominique »

jean-séb a écrit :.................
Je m'aperçois que Yasmina Reza a écrit aussi Hammerklavier !
http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOO ... 09816.aspx
Ce livre a tout à fait sa place sur le forum !

Résumé de "Hammerklavier"

" J'ai fait le rêve suivant.
Mon père mort revenait me voir.
- Alors, lui dis-je, comment est-ce ? As-tu rencontré Beethoven ?
Il se renfrogne et secoue la tête avec dégoût et tristesse :
- Ah, la, la ! Horrible rencontre !
- Comment ça ?
- Très antipathique. Très.
- Mais comment, papa ?
- Je m'approche de lui, poursuit mon père, prêt à le serrer, sais-tu ce qu'il me dit : " Comment avez-vous osé vous attaquer à l'Adagio d'Hammerklavier ? " - Pardonnez-moi maître, lui répondit mon père, je vous imaginais au-dessus de ça à présent.
Livre assez inintéressant par ailleurs, et qui ne parle pas de piano ni de Beethoven... à part ce récit de son rêve.
caminante, no hay camino, se hace camino al andar.
Veritas odium parit, obsequium amicos
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Chic, un livre de moins sur la pile !
Gracou
Messages : 2078
Enregistré le : mar. 19 juin, 2012 14:31

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Gracou »

nox a écrit :Pour ceux qui ne l'ont pas vue, il existe une pièce formidable de Y. Reza sur l'art contemporain avec F. Lucchini, P. Arditi et P. Vaneck. Ca s'appelle "Art".
Très marrant, très bien écrit :)
Je ne l'avais pas vu et j'ai pu choper le lien avant qu'il ne disparaisse, merci. =D>
Il y a des moments assez énormes. :mrgreen:
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
alcalde françois
Messages : 111
Enregistré le : ven. 21 juin, 2013 18:34

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par alcalde françois »

Ah ah ah merci beaucoup pour cette collection de jugements, c'est à mourir de rire. J'ajouterai une références à Proust qui en son temps relevait que certains mélomanes ne pouvaient écouter les derniers quatuors de Beethoven que dans leur transcription pour piano tellement ça leur arrachait les oreilles en version quatuor.
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Juste une appréciation intéressante, aujourd'hui, sur la difficulté qu'on éprouvée les contemporains de Liszt et Chopin, même excellents musiciens et de bonne foi, dans l'appréciation d'une musique qu'ils trouvaient extrêmement nouvelle par l'écriture. C'est ce qu'explique ici Fétis père, un musicien du XIXe siècle renommé pour ses ouvrages encyclopédiques sur la musique, dans un article qu'il consacre en 1847 à trois compositions de Heller. Je trouve intéressant de voir combien cette musique nouvelle le déstabilisait, point tant par sa sonorité que par son écriture :
Image
Image
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Amusant de lire quelques appréciations lapidaires contemporaines de Chopin sur son jeu éthéré, tirées de trois numéros de la Revue des deux Mondes :
Dès qu'il s'agit du piano, le talent n'est plus de mise; il faut absolument parler de génie : le génie a si bon air lorsqu'il provoque avec ses doigts de flamme la sonorité du clavier! Et cependant, au fond de tout cela, combien de tristes imitateurs, combien de médiocrités sonnantes pour deux maîtres vraiment reconnus, Thalberg et Listz! je ne dis par Chopin , fantôme vaporeux que l'imitation ne peut saisir.
(on remarque encore une fois l'orthographe erronée de Liszt)
Que Mme Pauline Viardot n'interroge-t-elle les grands modèles qui posent devant ses yeux sur la scène italienne? Certes, les conseils d'une tragédienne comme la Grisi ou de Lablache, le plus grand comédien de notre temps, vaudraient mieux pour elle que toutes ces inspirations plus ou moins psychologiques puisées dans les romans du jour, et qui finiraient par devenir aussi insaisissables que le sont au piano les vaporeuses nuances du jeu microscopique de M. Chopin.
Et à propos d'un pianiste Conradin Kreutzer :
La manière de Kreutzer se ressent tout-à-fait de la tradition des maîtres, de ceux pour qui l'exécution dans l'art n'était jamais qu'un accessoire. Lorsqu'il est assis au piano, il fait mieux que jouer, il pense. Aussi ne doit-on rien lui demander de ce manège extravagant si fort à la mode chez certains virtuoses en crédit; il vous donnera des phrases sublimes; il mariera, par les plus savantes modulations, l'inspiration de Beethoven à celle de Weber, la pensée de Mozart à la pensée de Schubert; n'en exigez pas davantage, car il ne sait rien de ces yeux qui roulent égarés dans leur orbite, de ces démoniaques pantomimes de Kreissler. Impassible devant son clavier, modérant sa propre fougue au lieu de lui lâcher la bride sur le cou, ainsi jouait Hummel. Après tant de divagations auxquelles on a pu assister, on n'imagine pas de quel effet est ce style mesuré, calme, transparent comme un cristal de roche; puis c'est une finesse de touche, une délicatesse dans la force, dont la ténuité maladive du jeu de M. Chopin ne saurait donner une idée; il n'y a que le mot sain qui puisse rendre l'impression d'un pareil style, ce mot gesund dont Goethe aimait à se servir chaque fois qu'il parlait de l'art classique.
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Un livre sur Beethoven cité dans un autre fil fournit plusieurs appréciations bien divergentes sur la symphonie n°9 avec chœurs après un concert dans les années 1830 :
Image
Wandarnok
Messages : 1921
Enregistré le : mar. 24 sept., 2013 12:41

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Wandarnok »

Merci Jean-Seb de reprendre mon lien, il est vrai que je suis tombé dessus par hasard en goglisant "Beethoven", dans le domaines "livres", juste pour voir ce que Glglg avait bien pu numériser sur notre compositeur fétiche.
Il y a 230 pages, et evidemment je commence juste à regarder.
En plus ce serait un tome 1.
Pages 118 à 122 par exemple des explications sur ses sonates etc... (mais pas du niveau de détail du livre de Charles Rosen sur les sonates de Beethoven).
Au final je n'ai pas encore compris qui etait l'auteur, l'époque où cela a été écrit etc...
Ni meme si il y avait du texte de Beethoven lui même (ses "études"?).
Mais c'est vrai que d'avoir des critiques divergentes sur Beethoven, c'est rare. Surtout à l'époque où le public était quand même face à du jamais vu et entendu (la 9eme par exemple).
Modifié en dernier par Wandarnok le sam. 11 oct., 2014 20:45, modifié 1 fois.
Gracou
Messages : 2078
Enregistré le : mar. 19 juin, 2012 14:31

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Gracou »

"(...) contient d'admirables passages ; cependant on que les idées manquent à l'auteur (...)" ce commentaire est un peu excessif, mais finalement pointe du doigt une certaine réalité de la composition qui consiste à utiliser une grande connaissance de la forme pour faire une heure de musique avec seulement quelques minutes de vraies idées.
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

SAINT-SAËNS
Un pianiste et un organiste français qui ne manque ni de prétention ni de talent, M. Saint-Saëns, a donné deux soirées musicales où il a exhibé toute sorte de compositions de sa façon : des sonates, des concertos et des symphonies. M. Saint-Saëns, qui a fait de bonnes études et qui vit dans un monde gourmé et un peu pédant, s’imagine qu’il suffît d’enfourcher une formule et de frapper sur le clavier de bruyants accords pour donner le change aux connaisseurs. Il se trompe bien évidemment, et depuis qu’il se prodigue en public, M. Saint-Saëns n’est point parvenu à nous convaincre qu’il soit destiné par Dieu à composer de la musique. Je ne puis mieux comparer M. Saint-Saëns qu’à un bon scholar dont la faconde parle de tout et sur tout sans jamais émettre une idée originale.
Paul Scudo
Revue des Deux Mondes, 1862
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Du même critique, décidément en verve :
SCHUMANN
Nous avons annoncé ici, au commencement de la saison musicale, l’arrivée à Paris de Mme Clara Schumann, artiste éminente, et femme du compositeur allemand qui est mort le 29 juillet 1854 dans une maison d’aliénés près de Dusseldorf. Mme Clara Schumann, dont le talent de pianiste est très goûté en Allemagne et en Angleterre, a donné quatre concerts dans les salons brillants de la maison Érard. Elle a été aussi admise à jouer un concerto de Beethoven à l’une des séances de la Société du Conservatoire. J’ai assisté à toutes les soirées de Mme Schumann, et je l’ai écoutée avec la déférence que méritait sa réputation, mais que n’imposait pas la musique de son mari, que je connais de reste. Au second concert, qui a eu lieu le 27 mars, Mme Schumann a exécuté avec M. Armingaud une sonate, pour piano et violon, de la composition de Robert Schumann, œuvre pénible, d’une longueur démesurée. On ne peut y louer qu’un andante assez gracieux ; mais tout le reste du morceau est d’une obscurité de conception qui ne mérite pas d’être éclaircie. Mme Schumann a été plus heureuse en exécutant avec une vigueur singulière la belle sonate en ut majeur de Beethoven. Dans cette musique profonde, le talent de la virtuose a été presque à la hauteur de l’inspiration du maître. Mme Schumann a clos la séance par une composition des plus étranges de son mari, intitulée le Carnaval. C’est une sorte de petite épopée humoristique, dans le genre d’Hoffmann ou de Jean-Paul Richter, subdivisée en seize épisodes ayant chacun un titre particulier : Préambule, — Pierrot, — Arlequin, — Valse noble, — Chiarina, etc. Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus fantasque et de moins musical que cette triste bouffonnerie d’un esprit malade, qui dure plus d’une demi-heure, et où l’oreille éperdue ne peut saisir ni un rythme ni une idée saillante. C’est le rêve troublé d’une imagination fiévreuse, qui n’a plus conscience de la liaison des idées. Le public n’a pas laissé ignorer à la grande virtuose le désappointement qu’il éprouvait, et j’ai vu le moment où il aurait déserté la salle, si le cauchemar musical de Robert Schumann eût duré une seconde de plus. Mme Clara Schumann peut être certaine que son beau talent d’exécution, qui brille surtout par la vigueur et la précision, aux dépens de la grâce féminine, dont elle est complètement dépourvue, a été très apprécié à Paris ; mais la musique de son mari, qu’elle a essayé de nous imposer, n’a pu vaincre l’indifférence du public et la désapprobation des hommes de goût, qui ne se laissent pas étourdir par de creuses rêvasseries.
Paul Scudo
Revue des Deux Mondes, 1862

On peut se donner une idée du type de programme que donnait Clara Schumann par celui-ci, joué à Londres quelques années plus tôt :
Image
Avatar du membre
Caralire
Messages : 1205
Enregistré le : dim. 20 juil., 2014 17:59
Mon piano : Yamaha C2X SH

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Caralire »

jean-séb a écrit :Du même critique, décidément en verve :
SCHUMANN
Mme Clara Schumann peut être certaine que son beau talent d’exécution, qui brille surtout par la vigueur et la précision, aux dépens de la grâce féminine, dont elle est complètement dépourvue, a été très apprécié à Paris
Paul Scudo
Revue des Deux Mondes, 1862

Ben tient, heureusement qu'elle jouait bien, parce qu'on risquait pas d'aller au concert juste pour la regarder !
Je peux concevoir qu'on soit dérouté par une approche nouvelle de la musique, et que le jugement soit tranché : c'est ce qu'on attend d'un critique, d'avoir un avis tranché. Mais franchement ce genre de commentaire, en gras, c'est de la malveillance gratuite.
Avatar du membre
Arabesque44
Messages : 3819
Enregistré le : lun. 07 oct., 2013 18:11
Mon piano : Bechstein 175 Yamaha 155P
Localisation : Nantes

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Arabesque44 »

Ce fil est passionnant, merci Jean-Seb de le refaire émerger.
Ce Paul Scudo enfile les perles. Il en a beaucoup d'autres comme ça? :mrgreen: Quel mufle!
Clara Schumann était d'ailleurs plutôt séduisante si l'on en croit les portraits, même si ceux-ci ont tendance à enjoliver la réalité.
https://www.google.fr/search?q=clara+sc ... UoAQ&dpr=1
Même âgée, je la trouve plutôt belle et féminine ( elle me rappelle beaucoup ma grand-mère :? )
Robert Schumann n'aurait pas hésité à le qualifier de "philistin". :twisted: Trente ans plus tôt, c'est en réaction à des critiques musicales qu'il jugeait ineptes, écrites par des "non-musiciens", qu'il avait fondé les "Compagnons de David" ( référence biblique: David contre les Philistins) et la "Neue Zeitschrift für Musik"
Je note tout de meme que Paul Scudo ne "démolit" pas Beethoven, mais en 1860, il n'y a plus guère de mérite à enfoncer les portes ouvertes!
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Tu as raison, quel mufle ! Bien dans l'esprit du temps ! Cela dit, en est-on si éloigné aujourd'hui où il semble que la plastique des violonistes et des pianistes soit de la plus haute importance pour vendre des CD ou faire le buzz sur Internet ?

une discussion sur les apparences se poursuit désormais dans le fil "pianistes : le fond et la forme"
viewtopic.php?f=9&t=15911
Avatar du membre
Mylène
Messages : 546
Enregistré le : mar. 11 mars, 2008 9:44
Mon piano : Casio PX110 ; Kawai BL61 ; Ibach FII
Localisation : Seine Maritime
Contact :

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Mylène »

J'avais déjà lu cette critique de concert de Clara Schumann et de Carnaval, j'étais scandalisée ! #-o
Je ne sais plus o je l'ai lue. Mais a me fait penser, Jean-seb, à un très beau livre que tu devrais lire : Clara Schumann, Voyages en France de Blandine Charvin. Tu connais ? http://www.editions-harmattan.fr/index. ... e&no=20462 C'est peut-être même là que j'ai lu cette critique.
Dans ce livre, beaucoup de comptes-rendus de concerts, de retours sur les conditions de voyages et de concerts, on apprend beaucoup sur la société de l'époque, le publi, les épidémies qui obligeaient à annuler, les critiques... (pour revenir au sujet...).
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11176
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Pas tout à fait des critiques, aujourd'hui, mais je trouve intéressantes et touchantes (c'était un an avant sa mort) les deux lettres autographes suivantes de Saint-Saëns à Busoni, où il le félicite pour la très belle interprétation qu'il a donnée du 5e concerto le 14 mars 1920 à la Société des Concert du Conservatoire, sous la direction de Philippe Gaubert.
Le première lettre est expédiée d'Algérie où Saint-Saëns passait tout l'hiver. Elle est du 17 mars et Saint-Saëns se réjouit du succès du concert. Il glisse un : « Voilà une bonne réponse à ceux qui traitent ma musique de vieillerie démodée. » Il n'avait pas tort, le succès du 5e concerto ne s'est jamais démenti. Il y a aussi quelques considérations sur la vie musicale difficile à Alger.
Image
Image

La seconde lettre est expédiée de Béziers le 9 avril 1920. On y lit un passage intéressant et critique sur l'édition des concertos de Mozart par Reinecke, fautive selon Saint-Saëns (il accuse Reinecke d'avoir saccagé la musique et fait des monstruosités) ; Saint-Saëns lui préfère la vieille édition française de Richault.
Image
Image
Avatar du membre
Caralire
Messages : 1205
Enregistré le : dim. 20 juil., 2014 17:59
Mon piano : Yamaha C2X SH

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Caralire »

Merci Jean-Seb, le déchiffrage est un peu ardu, mais c'est effectivement très intéressant à lire.
Répondre