Critiques de la musique contemporaine ... du passé

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jean-séb
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Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Plusieurs fils récents ont montré nos appréciations diverses de la musique contemporaine. C'est bien naturel, et j'ai pensé qu'il serait intéressant de retrouver dans un nouveau fil quelques critiques des contemporains de musiciens qui nous paraissent aujourd'hui consacrés et intouchables. Je m'inspire largement du bouquin de Nicolas Slonimsky, Lexicon of Musical Invective. Dans la mesure du possible, je donne les pièces originales et la traduction française.
À tout seigneur, tout honneur. Commençons par

BEETHOVEN

"Vor kurzem wurde die Ouvertüre zu Beethovens Oper Fidelio gegeben, und alle parteilosen Musikkenner und Musikfreunde waren darüber vollkommen einig, dass so etwas Unzusammenhängendes, Grelles, Verworrenes, das Ohr Empörendes schlechterdings noch nie in der Musik geschrieben worden. Die schneidendsten Modulationen folgen aufeinander in wirklich grässlicher Harmonie und einige kleinliche Ideen vollenden den unangenehmen betäubenden Eindruck."

« On a donné récemment l’ouverture de l’opéra Fidelio de Beethoven, et tous les musiciens impartiaux et les amateurs de musique furent bien d’accord qu’on n’a jamais rien écrit en musique d’aussi incohérent, de strident, de chaotique et de perçant pour les oreilles. Les modulations les plus tranchantes se suivent dans une harmonie vraiment atroce et quelques idées mesquines ne font qu’accroître l’impression désagréable et assommante. »
August von Kotzebue, Der Freimütige, Vienne, 11 septembre 1806

August von Kotzebue n'était pas n'importe qui, c'était un littérateur et dramaturge très reconnu. Compte tenu de son peu de sympathie pour la musique de Beethoven, on peut se demander s'il a été heureux d'associer son nom à celui du musicien en 1812, pour l'inauguration du théâtre de Pest, avec les Ruines d'Athènes (op.113) et le Roi Étienne (op.117) dont il fournit les textes.
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jean-séb
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

BIZET

« Voulant étonner le public plutôt que passer inaperçu, se posant en novateur et rêvant dans son sommeil fiévreux d'arracher quelques rayons à la couronne du prophète Richard Wagner, M. Georges Bizet s'est lancé à corps perdu dans ce Maelstrom sonore (?!), au risque d'y laisser ses ailes de néophyte et surtout les oreilles de ses auditeurs. […] Je comprends que nous ayons beaucoup progressé dans l’art d'écouter des dissonances et de manger du piment sans sourciller. Je dirai même qu’en feuilletant toute l’œuvre de Wagner, j’ai trouvé bien des pages nuageuses, bien des audaces plus ou moins contestables, mais jamais, non jamais rien de semblable ! »

Paul Bernard, Revue et Gazette musicale de Paris, 26 mai 1872.

Ça concernait Djamileh de Bizet. Paul Bernard était un pianiste compositeur qui n’a pas laissé de grandes marques dans l’histoire de la musique ; j’ai quelques partitions de piano de lui, gentillettes. Arroseur arrosé : un critique dit de lui qu’il était un peu froid comme exécutant et compositeur, mais son jeu est net, ferme et brillant. On comprend que la sensualité de la musique de Bizet ait pu lui déplaire.
http://www.youtube.com/watch?v=M2wPKqguB5Q
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twane
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par twane »

C'est très intéressant! Merci jean seb.
Will you bite the hand that feeds you? Will you stay down on your knees?
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bach_addict
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par bach_addict »

les critiques de Messager sur Tosca n'étaient pas mal non plus ...

finalement seul le grand public a raison sur le long terme, et pas les critiques. Hors dans le cas d'une bonne partie du répertoire contemporain...mais passons... :wink:
« L'inconvénient du piano, c'est que chaque bonne note est située entre deux mauvaises. » A.Schnabel
roland
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par roland »

Jean Seb merci pour cette initiative, très, très sympa....sur un autre plan je pense à la bataille d'Hernani :lol: :lol:
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jean-séb
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

À défaut du Hernani d'Hugo, voici quelques lignes sur Verdi qui composa un Ernani.

VERDI

Le système musical de Verdi, vous le connaissez : il n’a pas encore existé de compositeur italien plus incapable de produire ce qui s’appelle vulgairement une mélodie. Si vous ajoutez à cela qu'il n'écrit jamais d'ouverture, vous saurez jusqu'où s'étendent ses facultés du côté de l'inspiration et du côté de la science.
Gazette musicale de Paris, 1er août 1847

Rigoletto est le moins fort des ouvrages de Verdi. […]La mélodie y manque et son absence n’est pas rachetée par quelque beau morceau d’ensemble[…] Cet opéra n’a guère de chance de se maintenir au répertoire.

Gazette musicale de Paris, 22 mai 1853

Ce qui manque à la Traviata, qui a été représentée pour la première fois à Venise le 6 mars 1853, c'est ce qui manque à toutes les œuvres de M. Verdi, la distinction, l'élégance et la variété. Ces trois actes de la Traviata sont d'une monotonie de couleurs et d'une aridité de formes qui ont étonné le public lui-même. [...] M. Verdi est un musicien de décadence. Il en a tous les défauts, la violence du style, le décousu des idées, la crudité des couleurs, l’impropriété du langage ! Ses formules d'accompagnement, d'une pauvreté extrême, sont un véritable supplice pour les oreilles délicates qui veulent être séduites par la muse, et non pas violentées, prises d'assaut comme la tour Malakof.

P. Scudo, Revue des Deux Mondes, 15 décembre 1856

Ernani est de la musique épicée, irritant les palais délicats et fatigant même les estomacs robustes. Disons franchement que l’orchestration est d’une pauvreté et d’une rudesse impossibles, que ces accents ne sont que des cris, et qu’enfin ces unissons continuels du soprano et du ténor ont une acuité énervante fort peu harmonieuse et d’une valeur négative.
Le Ménestrel, 20 décembre 1863

Bien entendu, ces citations sont partielles et partiales ; elles ne doivent pas toujours être prises comme l'exact reflet de la pensée de leur auteur. Parfois, si l'on se reporte aux articles complets, on trouve des formules plus nuancées, moins assassines.
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JPS1827
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par JPS1827 »

C'est toujours réjouissant de relire ces critiques. Je crois que c'est Sibelius qui avait dit
"Ne fais pas attention à la critique : on n'a jamais élevé une statue à un critique" ! (un critique de ma connaissance avait ajouté méchamment : "au moins cette phrase est beaucoup moins longue qu'une de ses symphonies." 1 partout !)
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Mona
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Mona »

Merci Jean-Seb, super initiative !
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BM607
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par BM607 »

C'est effectivement très drôle et très plaisant de lire ces critiques. Ça relativise les jugements des uns et des autres.

Personnellement j'en sors conforté (si tant est que j'en ai eu besoin) dans mes idées de ne me fier qu'à mes goûts pour aimer ou pas telle musique, tel compositeur, tel interprète, et peu importe si ce n'est pas de l'avis des autres, critiques ou public.
(je n'oserais pas dire ici les types de musique que j'écoute ou celles que je n'aime pas...)

BM
Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira.
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nuages
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par nuages »

bon topic , merci pour la lecture ...

j'aime beaucoup le côté tranchant et définitif de ces jugements , ces messieurs savaient dire des horreurs avec élégance .
Il me semble qu'il y a eu un dossier sur les erreurs de la critique musicale dans un numéro de Diapason ( Zygel en couverture ) peut-être que quelqu'un a çà dans ses cartons ...
BM607 a écrit :Personnellement j'en sors conforté (si tant est que j'en ai eu besoin) dans mes idées de ne me fier qu'à mes goûts pour aimer ou pas telle musique, tel compositeur, tel interprète, et peu importe si ce n'est pas de l'avis des autres, critiques ou public.
(je n'oserais pas dire ici les types de musique que j'écoute ou celles que je n'aime pas...)
C'est très respectable et avisé ... il y a des gens qui n'ont pas le même sens de la retenue
http://www.critique-musicale.com/plansite.php
( cliquer dans " répertoire critique " )
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JPS1827
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par JPS1827 »

Effectivement, il faut oser décréter que la sonate op. 110 de Beethoven est "peu intéressante", et quantité d'autres merveilleuses appréciations de ce genre, et il n'a pas l'excuse d'être le nez sur le guidon !
Dogane
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Dogane »

et encore, ce n'est rien à côté de ses critiques de Bach :roll:
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dominique
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par dominique »

Je suppose que vous parlez du critique Claude Fernandez.
Ce fil est ouvert sur des critiques du passé sur leurs contemporains. C'est une très bonne idée. On s'y tient ?
Si vous voulez parler du site de claude Fernandez... http://pianomajeur.net/forum/viewtopic. ... =fernandez
caminante, no hay camino, se hace camino al andar.
Veritas odium parit, obsequium amicos
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jean-séb
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

CHOPIN

In Aufsuchung ohrzerrelssender Dissonanzen, gequälter üebergänge, schneidender Modulationen, widerwärtiger Verrenkungen der Melodie und des Rhythmus, ist er ganz unermüdlich, wir möchten sagen unerschöpflich. Alles, worauf man nur fallen kann, wird hervorgesucht, um den Effekt bizarrer Originalität zu erzeugen, zumal durch die fremdartigsten Tonarten, die unnatürlichsten Lagen der Akkorde, die widerhaarigsten Zusammenstellungen in Betreff der Fingersetzung. [...] Hätte Herr Chopin diese Komposition einem Meister vorgelegt, so würde dieser sie ihm hoffentlicb zerrissen und vor die Füsse geworfen haben, was wir hiermit symbolisch tun wollen.
Ludwig Rellstab, Iris, Berlin, 5 juillet 1833

À la recherche de dissonances qui déchirent les oreilles, de transitions torturées, de modulations criardes, de contorsions répugnantes de la mélodie et du rythme, Chopin est vraiment infatigable, nous pourrions dire inépuisable. Tout ce qu’on ne trouve d’habitude que par hasard est ici délibérément recherché pour produire un effet d’une originalité bizarre, en particulier les tonalités les plus étranges, les positions d’accord les moins naturelles, les combinaisons les plus absurdes en matière de doigté. […] Si Monsieur Chopin avait soumis ces compositions à un maître, on peut espérer que celui-ci les aurait déchirées et jetées à ses pieds, ce que nous voulons faire ici de façon symbolique.

Ludwig Rellstab né le 13 avril 1799 à Berlin où il est mort le 27 novembre 1860, est un poète, journaliste et critique musical allemand. Sept de ses poèmes furent mis en musique par Franz Schubert dans Le Chant du cygne (Schwanengesang). Il inspira également des lieder à Franz Liszt. Rellstab est également connu pour avoir donné le surnom de Clair de lune à la célèbre Sonate pour piano no 14 de Beethoven (cf. Wikipedia).

La critique ci-dessus portait sur les mazurkas de l’opus 7.
http://www.youtube.com/watch?v=k9MDJuKL3sA
Praeludium
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Praeludium »

C'est très drôle de voir ça sur Chopin, merci :mrgreen:
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jean-séb
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

TCHAÏKOWSKI

Son célèbre et populaire concerto n°1 pour piano fut créé non pas en Russie mais à Boston, le 25 octobre 1875, avec Hans von Bülow au piano. L’accueil du public fut bon, mais celui des critiques nettement plus mitigé comme on peut en juger.


1) Tchaikovsky is unmistakably a disciple of the "new school", and his work is strongly tinged with the wildness and quaintness of the music of the North. Taken as a whole, his Piano Concerto appeared interesting chiefly as a novelty. It would not soon supplant the massive production of Beethoven, or even the fiery compositions of Liszt, Raff and Rubinstein.

Tchaïkowski est sans erreur un disciple de la Nouvelle École, et son œuvre est fortement teintée de la sauvagerie et du pittoresque du Nord. Dans l’ensemble, son Concerto pour piano est apparu surtout intéressant en tant que nouveauté. Il n’est pas près de supplanter la production massive de Beethoven, ou même les compositions fougueuses de Liszt, Raff ou Rubinstein.
Boston Journal, 25 octobre 1875

2) This extremely difficult, strange, wild, ultra-modern Russian Concerto is the composition of Peter Tchaikovsky, a young professor at the Conservatory of Moscow... We had the wild Cossack fire and impetus without stint, extremely brilliant and exciting, but could we ever learn to love such music?


Ce concerto russe ultra-moderne, extrêmement difficile, étrange, sauvage, est la composition de Peter Tchaikowski, un jeune professeur du Conservatoire de Moscou… Nous avons eu la flamme et l’élan cosaque sauvage sans compter, extrêmement brillant et excitant, mais arriverons-nous jamais à aimer une telle musique ?
Dwight's journal of Music, Boston, 13 novembre 1875

3) Dr. Von Bülow’s concert was distinguished especially by the production of a new grand concerto by the Russian composer Tchaikovsky. This elaborate work is, in general, as difficult for popular apprehension as the name of the composer ... There are long stretches of what seems, on the first hearing, at least, formless void, sprinkled only with tinklings of the piano and snatchy obbligatos from all the various wind and string instruments in turn.

Le concert du Dr Von Bülow s’est surtout distingué par l’exécution d’un nouveau grand concerto par le compositeur russe Tchaïkowski. Cet œuvre compliquée est, d’une manière générale, aussi difficile à saisir pour le public que le nom du compositeur… Il y a de long passages de ce qui semble, du moins à la première écoute, un vide informe, juste saupoudré de tintements de piano et de bribes d’obligato venant tour à tour de tous les instruments à vent ou à cordes.
Boston Evening Transcript, 25 octobre 1875
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sanne
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par sanne »

J'aime beaucoup ce fil. :D

C'est très intéressant de se rendre compte de ce qu'on trouve bien (voir génial) maintenant, ne l'était pas forcément dans le passé.
Faut donc peut-être être un peu prudent en jugeant la musique contemporaine (classique /pop ou autre). On pourrait avoir des surprises. :lol:
pedro_cristian
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par pedro_cristian »

BRAHMS

Saint-Saëns à propos du premier concerto pour piano.
« Je ne vois pas d'inconvénient à convenir qu'il s'exhale du concerto en question – démesurément long - un ennui profond. Je connais ce concerto depuis longtemps ; voici la troisième fois que je l'entends, et je ne puis arriver à y découvrir un charme quelconque. Le sentiment en est lourd et maussade, les traits sont gauches et disgracieux ; la vie et la passion manquent à cette musique, qui semble s'agiter sur place, dans l'obscurité... ».


Debussy à propos du concerto pour violon interprété par M.L.Auer en 1903
« On entendit M. Léopold Auer, violon solo de S.M. L'empereur de Russie. Il a dépensé un talent énorme, a joué un concerto de Brahms et une sérénade mélancolique de Tchaïkovski. Ces deux œuvres se disputent le monopole de l'ennui et Si j'étais une minute empereur de Russie, je menacerais M. L. Auer d'une immédiate Sibérie s'il continuait à mettre sa virtuosité au service de pareilles rocailleries ».


Ravel

« C'est ce qui apparaît le plus clairement dans la plupart des œuvres de Brahms. On a pu le constater dans la Symphonie en ré majeur que nous donnait dernièrement l'Association des concerts Lamoureux. Les idées sont d'une musicalité intime et douce [...]. A peine ont-elles été présentées que leur marche devient lourde et pénible. Il semble que le compositeur ait été hanté sans cesse par le désir d'égaler Beethoven. […] Une inspiration claire et simple, tantôt enjouée, tantôt mélancolique ; des développements savants, grandiloquents, enchevêtrés et lourds. »


George Bernard Shaw sur le Requiem
« La seule chose qu'on puisse dire à son avantage, c'est que ses caprices n'ont rien d'inconvenant : ce sont ceux d'un grand bébé, assez doué certes pour s'amuser avec des harmonies qui cela dépasseraient la plupart des adultes, mais bébé quand même, et qui n'est jamais plus heureux que quand il peut jouer avec une berceuse, toujours partant pour le cheval à bascule et le sucre d'orge, et toujours enclin, de façon quelque peu agaçante, à se déguiser en Haendel ou Beethoven et à faire un bruit prolongé et intolérable. »

«Il y a des expériences dans la vie que l'on ne devrait pas demander à un homme de vivre deux fois, l'une d'entre elle est d'écouter le Requiem de Brahms.»

«L'expérience n'est supporté patiemment que par les cadavres»

«Les admirateurs de Brahms ont été servi au concert de Richter de la semaine dernière [24 Juin 1891]. Le Requiem a été joué d'un bout à l'autre, suffisamment bien pour en faire sortir toutes ses qualités. Ce dont il s'agit aurait pu être deviné par un sourd qui aurait observé l'ennui monumental du malheureux auditoire, qui pourtant écoutait avec la croyance perverse que Brahms est un grand compositeur, et que l’exécution de son chef-d'œuvre une cérémonie importante et infiniment solennelle. Je crois que cette illusion ne frappe pas seulement ceux qui ayant trouvé que la bonne musique les ennuie et ont conclu plutôt rapidement que toute musique qui les ennuie doit être bonne, mais également les musiciens érudits, qui savent ce qu'est un point d'orgue et sont ravi de pouvoir expliquer ce qu'il se passe lorsque que Brahms place une pédale d'orgue tonitruante et un tambour percutant la dominante de la clef pendant dix bonnes minutes tandis que les autres instruments et les voix labourent toutes les progressions possibles sur ou près de la clef, en montant la colline de syncope en syncope, et en descendant vers la vallée de suspension en suspension, d'une façon élaborée et moderne qui ne fait que rendre l'opération plus désespérément démodée et vide.
Brahms semble avoir été impressionné par le fait que Beethoven produisait des effets remarquables en persistant sur ses points d'orgues bien longtemps après que Mozart ne les aurait résolus, et de s'être convaincu par une logique évidente qu'il était possible de provoquer des effets encore plus grands en allant plus loin que Beethoven. Et en effet c'est le cas, comme Bach l'a prouvé bien avant que Mozart ne soit né. Mais l'effet escompté n'est pas obtenu en quelque sorte dans les mains de Brahms, bien qu'il ait prolongé et persisté jusqu'aux limites de ce qui est humainement endurable. Cependant, les érudits [academic gentlemen] aiment cela et semblent même apprécier ces répétitions interminables, qui ne sont que les "rosalias" des messes italiennes sous un déguisement lourd et prétentieux. Tout ce que je peux dire avec tout le respect que je leur dois, c'est que je ne suis pas d'accord avec eux.
Le fait est qu'il n'y a rien qu'un vrai musicien ne regarde avec plus de jalousie qu'une tentative de faire passer une forme de la musique pour la musique elle-même, spécialement si ces formes ont reçu une consécration par leur utilisation par les grands compositeurs du passé. Malheureusement, de telles impostures sont soutenues par le type de personne - et ils sont nombreux dans ce pays - qui pensent que l'habit fait le moine.»

«Il est bien capable d'écrire une demi-douzaine de Requiem tous aussi insupportable que celui-ci si nous le saluons comme "le représentant vivant le plus proéminent de la musique classique", comme un simple d'esprit enthousiaste l'a nommé l'autre jour, sur la base de d'une paire de motets qui étaient inférieurs dans toutes les caractéristiques essentielles de l'école classique des meilleurs morceaux de composition dans les opéras comiques de Sir Arthur Sullivan.
Ce ne sont pas des chose agréable à dire d'un compositeur qui a écrit tant de jolies bagatelles, mais l'auto-défense est l'une des lois de la nature, et bien que je me sois en ce moment étendu en train de griller sur le sable à Broadstairs, en paix avec toute l'humanité, et agréablement disposé même envers Brahms, je ne peux dire moins que cela en pensant à ce Requiem épouvantable et au danger imminent de le voir être repris à la saison suivante.»
Modifié en dernier par pedro_cristian le ven. 18 mai, 2012 13:59, modifié 2 fois.
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jean-séb
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Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par jean-séb »

Merci Pedro pour cette grosse pierre apportée à l'édifice. Pauvre Brahms, il en prend pour son grade !
Line-Marie

Re: Critiques de la musique contemporaine ... du passé

Message par Line-Marie »

oh oui merci à tous pour ce post passionnant et qui ne peut que nous conduire à une grande humilité...
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